La tribune de Najat Vallaud-Belkacem : vent mauvais pour la Culture.

Publié le par Ghis



CONTRIBUTION - Najat Belkacem, vice-présidente socialiste chargée de la culture au conseil régional Rhône-Alpes, publie ce vendredi matin dans Libération une tribune alertant sur la baisse programmée de différents budgets liés au ministère de la Culture. Notamment les crédits gérés par les directions régionales des affaires culturelles. Pour Rhône-Alpes, la baisse atteindrait 2,4 millions d'euros.

La tribune de Najat Belkacem :

"Rescapé in extremis du projet présidentiel de fusion avec l’Education nationale, le ministère de la Culture est aujourd’hui dans la tourmente. 

Il y eut d’abord l’acte I de la mise en cause des politiques défendues depuis Malraux dans la lettre de cadrage du Président, la stigmatisation de la démocratisation culturelle et la volonté de rompre avec une politique de l’offre pour aller vers une politique de la demande, conforme aux volontés d’un audimat présupposé.

 

Il y eut ensuite le coup de menton regrettable au directeur de la scène nationale de Belfort, tancé pour avoir publié en guise d’éditorial une lettre de Benoît Lambert qui ne faisait que parler avec humour et talent du sentiment de ceux qui n’avait pas voté pour Nicolas Sarkozy. Et puis il y a aujourd’hui cette cacophonie budgétaire par laquelle la ministre tente de masquer une sinistre réalité et de faire taire les inquiétudes.

Ce budget qui devait être celui de la consolidation est celui du désengagement. 
 
Derrière la hausse affichée de 3,2 % se cache une lente dégradation financière engagée dès 2002 sur fond d’épuisement de la politique culturelle de l’Etat et de transfert de charges à des collectivités locales qui financent, à elles seules, deux tiers de la dépense culturelle publique et sont aujourd’hui mises devant le fait accompli. 
 
La ministre a beau tenter de donner le change et parler d’un exercice de bonne gouvernance, la réalité est malheureusement différente. 

Christine Albanel, qui considérait son budget comme «satisfaisant», aura d’ailleurs fini par avouer devant la commission des finances de l’Assemblée qu’il s’agissait en fait d’un «budget d’austérité».
  
Encore s’est-elle bien gardée de dire qu’elle ne l’appliquerait même pas puisqu’elle avait consenti une annulation de crédits de grande ampleur pour effacer les dettes des années antérieures. 
 
Cette année, sans la rebudgétisation de la taxe affectée au Centre des monuments nationaux, le budget culture, qui ne croîtra que de 0,25 %, moins que l’inflation, sera donc en baisse ! 
 
Ayons l’honnêteté de dire, pour ne pas se les voir opposer comme autant de preuves de mauvaise foi, que certains grands travaux (comme le grand auditorium de la Villette) ou projets (comme la bibliothèque numérique) seront poursuivis.

Mais pour le reste, c’est au mieux la stagnation et bien souvent le recul. 
 
Stricte reconduction des crédits de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ou de l’architecture, stagnation des crédits de soutien à la création ou au spectacle vivant, alors que la ministre parle de «consolidation» ! 
 
Stagnation encore des aides aux industries culturelles. 
 
Baisse, cette fois, des crédits aux établissements d’enseignements culturels spécialisés, amputés de 2 millions d’euros, alors qu’ils sont décentralisés ! 

L’Etat est passé maître dans l’art de transférer des charges. 
 
Hécatombe enfin des actions en faveur de la démocratisation culturelle. Douze millions d’euros de crédits disparaissent d’un coup en 2008 : sacrifiés la diversification des publics, les contrats de ville, les zones rurales, l’action culturelle dans les cités, et tout cela en faisant miroiter la gratuité des musées.

Les directions régionales aux affaires culturelles (Drac) annoncent une «mise en réserve» de 6,5 % des crédits pour 2008, qui de leur propre aveu se transformera en une annulation pure et simple. 
 
Pour la région Rhône-Alpes, la coupe devrait ainsi être de près de 2,4 millions d’euros, soit l’équivalent des moyens annuels cumulés des scènes nationales d’Annecy et de Chambéry, ou encore de la moitié de la somme consacrée par la région aux compagnies.

Quant aux artistes et aux techniciens, déjà fragilisés par la réforme de l’intermittence, c’est pour eux quinze mille jours de travail en moins.

Les régions se sont engagées depuis 2004 dans une politique culturelle volontariste. 

Cette politique, élaborée dans la concertation, porte en elle une dynamique et une façon de faire différentes, partant de la réalité des territoires et des projets portés par des acteurs généreusement engagés. 
 
Elle est différente parce qu’elle accorde une large part à la notion d’emploi culturel, à la diversité des publics et des disciplines, à l’émergence de nouvelles générations d’artistes et à la prise en compte de besoins culturels nouveaux. 
Différente parce que fondée sur la confiance et le respect des engagements et sur une pratique de dialogue et de partenariat que l’Etat ne sait plus ou ne veut plus mettre en œuvre. 
 
Si dans les prochaines semaines le vent mauvais qui vient de la Rue de Valois se confirmait, ce serait un nouveau coup dur pour un secteur essentiel à la vie, au projet collectif et à l’économie de notre pays. 

Elus, artistes, publics, mobilisons-nous pour sauver l’avenir d’une très belle invention française : la politique culturelle."
 
 
 
 
Source : LibéLyon.

Publié dans Mobilisons-nous !

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