Ségolène Royal face aux patrons...

Publié le par Ghislaine

Devant huit dirigeants de PME, choisis par Challenges, la candidate socialiste à la présidence de la République a défendu sa vision du monde de l’entreprise : résolument sociale-démocrate.

Challenges.fr | 29.03.2007

Elle arrive dans son nouveau costume de campagne. Le tailleur noir de possible future présidente a remplacé les tenues blanches virginales de l’apprentie candidate. Teint frais, bijoux sobres. Et toujours ce même ton tranquille, désarmant sachant le caractère d’acier qui est le sien.

Ce mercredi 21 mars, dans les locaux de Challenges, Ségolène Royal sait pourtant qu’elle va rencontrer une assemblée qui ne lui est pas acquise. Huit patrons de PME réunis par notre journal. Tous des dirigeants de terrain, volontairement sélectionnés hors des circuits habituels des institutions patronales. Apolitiques certes, mais conscients qu’entre la gauche et l’entreprise le dialogue n’a jamais été serein.

Bénéfices sous conditions

Disons-le tout de suite, Ségolène Royal les a cueillis à l’estomac. A une première question sur sa vision de l’économie de marché et des profits des entreprises, la candidate stupéfie l’assistance. « Je dis aux entreprises : faites des profits, il n’y a pas de honte à faire des bénéfices. Il faut sortir de cette idéologie ­punitive du profit. Mais à deux conditions : que l’argent soit honnêtement gagné, et qu’il soit correctement redistribué. Je vous dis à vous patrons : faites autant de bénéfices que vous voulez, mais garantissez-nous en contrepartie un dialogue social de qualité. »

 
Deux jours plus tôt, lors d’une rencontre avec quelques journalistes, Ségolène Royal avait prévenu : « Ma responsabilité est de nouer un lien direct avec les Français, dans une liberté totale d’expression, d’action. Je ne me laisserai pas formater. »
Face à Challenges, elle a tenu parole. Le débat ci-contre en témoigne : jamais aucun dirigeant socialiste – pas même Michel Rocard – n’était allé aussi loin dans la rupture avec les origines guesdistes du parti. Ce qu’un Dominique Strauss-Kahn n’a pas osé faire au début de sa campagne interne pour la candidature socialiste, elle le réalise dans nos colonnes : assumer, enfin, un tournant social-démocrate, même si elle en refuse l’étiquette. « Cela peut paraître paradoxal que ce soit une candidate de gauche qui parle comme je viens de le faire », nous confiera-t-elle à l’issue de l’entretien . En effet.

Fini, les doubles discours

 
En prenant ce virage, elle s’efforce de mettre fin au double discours du PS. Un parti qui annonce la renationalisation d’EDF dans son projet présidentiel, alors qu’il a laissé Lionel Jospin battre le record des privatisations entre 1995 et 2002 avec 27 milliards d’euros de recettes.

 
Elle tire aussi les conséquences de la campagne électorale la plus baroque de la V e République. Alors que le PS la poussait vers une campagne de premier tour tournée vers l’électorat populaire, la montée subite de François Bayrou montre que ce sont au contraire les sympathisants « aisés » du PS qu’il faut rattraper. Ces derniers jours, les sondeurs ont noté un fléchissement de François Bayrou dans les intentions de vote. Peut-être une première brèche dans laquelle Ségolène Royal peut s’engouffrer en « droitisant » son discours pour ramener vers elle les déçus d’une gauche moderne.

 
Simple opportunisme à un mois du premier tour ? Ce serait oublier que Ségolène Royal a construit en partie sa popularité sur des positions à rebours de l’électorat socialiste traditionnel. Ce sont les encadrements militaires, réservés aux délinquants. Ce sont les profs qu’elle veut faire travailler davantage. C’est l’administration centrale qu’elle souhaite alléger. Ce sont aujourd’hui les patrons qu’elle refuse de diaboliser, et avec qui elle préconise le dialogue. « Il n’y aura pas d’arnaque sur le produit, disait-elle il y a un an jour pour jour à Challenges, lorsqu’elle n’était qu’une candidate possible du PS. Je ne chercherai pas à jouer les gauchistes pour avoir les voix du parti. » Sur ce plan au moins, elle tient parole.

Il faut sortir de l’idéologie punitive du profit

Mercredi 21 mars, Challenges recevait dans ses locaux Ségo­lène Royal. La postulante socialiste à l’Elysée a rencontré huit patrons de PME, sélectionnés par le journal hors des traditionnelles institutions patronales. Voici les temps forts du débat.

Bruno Van
Ryb.
Comparé à d’autres partis socialistes européens, le PS français n’a jamais fait une vraie révision idéologique. Finalement, êtes-vous pour ou contre l’économie de marché?? Et êtes-vous d’accord pour dire que le profit est nécessaire pour créer des richesses ?


Ségolène Royal. Sur le premier point, bien évidemment, je suis pour l’économie de marché. Je dirais même que, dans certains secteurs, elle ne fonctionne pas suffisamment. Je crois qu’il y a des pans de notre économie qui sont beaucoup trop concentrés. C’est vrai dans la grande distribution, ce qui provoque un écrasement des fournisseurs ou des industriels. C’est vrai aussi dans le système bancaire. Dans d’autres pays, il y a plus de concurrence entre les banques, ce qui fait sans doute qu’elles remplissent davantage leurs responsabilités à l’égard des PME. Nous sommes aujourd’hui même dans une situation à l’envers où moi, en tant que présidente de région, je suis obligée de prêter à la place des banques. Ce n’est pas le rôle de la région et ce n’est pas le rôle des contribuables.
 
Donc, oui à l’économie de marché, mais si elle est régulée. La compétitivité doit être créatrice de richesse à condition que des règles soient posées. Je pense par exemple que l’Europe doit se protéger davantage. C’était longtemps un tabou, mais face aux délocalisations, la question se pose avec acuité.

Challenges
.
Sur la question des profits, n’avez-vous pas dit à Villepinte : « Le règne sans fin du profit est intolérable » ?


Sur ce sujet, je voudrais faire plusieurs réflexions. Ce qui me frappe dans notre pays, c’est que lorsque l’on entend parler des entreprises, c’est toujours quand elles se comportent mal. Qu’attendent les patrons mais aussi les pouvoirs publics pour remédier à cet état de fait ?
En tout cas, je suis prête à défendre l’image de marque des entreprises. Je crois que ce qui ne va pas, c’est le discours monocolore à propos de l’entreprise. On ne met en avant que les mauvais comportements comme les parachutes dorés, les superprofits quand ils sont mal distribués ou les patrons qui mettent la clé sous la porte sans aucun respect pour les salariés. Lorsque je dis que je veux réconcilier la France avec les entreprises, je pense essentiellement à cela. Quant aux profits, ils sont nécessaires. Il faut sortir de l’idéologie punitive du profit. Mais il faut voir à quoi ils sont utilisés. Mon discours est extrêmement clair : je veux que les entrepreneurs aient envie de réussir.

Anne Binder.
Comment comptez-vous encourager le risque que prennent les entrepreneurs ?

Je veux que le talent soit récompensé, que le travail et la dynamique économique le soient aussi. Je souhaite réconcilier la France avec l’esprit d’entreprise, que l’on renoue avec le goût du risque. Dans un sondage récent, j’ai lu que les jeunes diplômés des grandes écoles souhaitent en majorité trouver un emploi dans un grand groupe, alors qu’aux Etats-Unis ils préfèrent créer leur entreprise. Je voudrais que la proportion s’inverse. C’est un état d’esprit à changer en profondeur. Il n’est pas honteux de gagner de l’argent ! Je suis même prête à dire aux entrepreneurs : il n’y a pas de honte à dégager des bénéfices, à augmenter ses revenus. Tout le monde a envie de vivre mieux, et donc d’augmenter ses revenus. Mais il y a deux conditions à cela. Il faut d’abord que cet argent soit honnêtement gagné. Il faut ensuite qu’il soit correctement redistribué. Je souhaite ainsi moduler le taux de l’impôt sur les sociétés pour les ­inciter à réinvestir les profits, notamment dans le domaine de la recherche. Et si les entreprises s’enrichissent, à condition qu’elles ne le fassent pas aux dépens de l’emploi, c’est la France qui s’enrichit.

Christophe Cremer.
 
Pourtant, trois de mes amis entrepreneurs sont partis à l’étranger en raison de l’ISF…
 
Partout, il existe des impôts sur le patrimoine. Et je vous ferai observer que, sans doute, vos amis reviendront en France pour se faire soigner dans nos hôpitaux ou inscrire leurs enfants dans les classes prépa des grands lycées français. S’ils font le compte de ce qu’ils vont payer en impôts s’ils restent, et de ce dont ils bénéficient en France grâce aux services publics gratuits, ils ne sont pas perdants. Ces services publics, il faut bien les financer.

Hélène Darroze.
Mais il y a les charges sociales et la TVA qui sont très élevées…

Il vaudrait mieux que le travail soit moins taxé que le capital. Si on se plaint à la fois des cotisations sur le travail et de l’ISF, où trouve-t-on les recettes pour financer le fonctionnement de la société ? Ce qu’il faudrait remettre à plat, c’est le sort plus difficile réservé aux entreprises de main-d’œuvre, qui contribuent davantage que celles utilisant beaucoup de capital au financement de notre protection sociale.

Challenges.
Que pensez-vous de la piste TVA sociale ?

Je n’ai pas de tabou. Mais chaque hypothèse a ses inconvénients. La TVA est un impôt injuste, car il n’est pas progressif. Et si on augmente la TVA, on augmente aussi les prix. Il sera intéressant d’analyser de près ce qui se passe en Allemagne, qui a eu recours à la TVA sociale, pour savoir comment les équilibres économiques et sociaux ont été modifiés par cette mesure.
 
Ce que je veux avant tout, c’est que les entreprises bénéficient de règles stables pendant cinq ans. Je me donnerai jusqu’au mois de décembre pour faire en sorte que les règles sociales et fiscales soient correctement négociées. C’est un temps suffisant pour le dialogue entre partenaires, pour faire émerger des solutions d’équilibre.

Joël Pétillon.
 
Ne pensez-vous pas qu’il n’y a pas que des délocalisations dites boursières et que certaines peuvent être salutaires ?

Je suis d’accord. Il peut y avoir des délocalisations défensives. Ce sont celles qui ont été anticipées et qui s’accompagnent de nouvelles créations d’emplois sur des produits plus sophistiqués, à plus forte valeur ajoutée. Si s’implanter dans un autre pays permet de réinvestir sur le territoire national pour accompagner une mutation industrielle, il n’y a rien à redire. Et cela permet de faire émerger les pays les plus pauvres, et se constituer à terme – j’espère le plus rapidement possible – de nouveaux débouchés pour les produits fabriqués en France.
 
J’ajoute que les salariés sont prêts à comprendre tout cela si on les associe à la décision. Or le problème aujourd’hui, c’est que les salariés sont tenus à l’écart des informations et des décisions qui concernent l’entreprise, et donc leur emploi.

Joël Pétillon.

Mais, encore une fois, toutes les délocalisations ne se ressemblent pas…

La difficulté aujourd’hui, c’est que le dialogue social est tellement ar­chaïque que les salariés ne sont pas associés en amont. L’exemple d’Au­bade, que j’ai vécu sur mon territoire, est à ce titre éclairant.
 
Voilà une marque connue qui a été délocalisée par surprise en Tunisie. On a commencé à lancer la fabrication dans ce pays sans que personne le sache. Puis, lorsque le pouvoir d’achat a baissé en France, on a pris ce prétexte pour fermer l’usine française alors que la délocalisation était déjà organisée de longue date.
 
Je crois que l’une des clés du changement économique, c’est aussi le sens de la responsabilité à l’égard des territoires. Tous ensemble, nous pouvons regarder la façon d’assurer les mutations, d’organiser la formation complémentaire des salariés, de favoriser l’émergence de nouvelles activités. Le problème, c’est qu’on n’a pas la respiration nécessaire parce que le dialogue social est tellement archaïque qu’on ne peut pas anticiper.

Paul-José Colonna Cesari.
 
Vous souhaitez rénover ce dialogue social en promouvant un syndicalisme de masse. N’est-ce pas utopique dans un pays aussi peu syndicalisé ?

J’étais favorable à l’adhésion obligatoire aux syndicats, comme dans les pays du nord de l’Europe. C’est grâce au dialogue social que se réalisent les progrès sociaux. Puisque tous les salariés en profitent, il serait normal qu’ils donnent chacun leur quote-part à ce dialogue, en adhérant à une organisation.
 
Mais ce n’est pas dans la culture syndicale française. Je suis donc favorable à une incitation forte à l’adhésion. Cela prendra la forme d’un chèque syndical, ou d’un crédit d’impôt. Mais l’incitation financière ne suffit pas. Il faut une impulsion politique. Quand le dialogue social sera reconnu et valorisé dans l’entreprise et le pays, le taux de syndicalisation augmentera. En donnant aux syndicats une assise plus large, on leur permettra d’éviter de se replier sur des postures revendicatives, de méfiance. Il faut sortir de l’esprit de confrontation, et se tourner vers le compromis, la négociation.

Challenges.
 
A entendre votre discours depuis le début de cette rencontre, très social-démocrate, on se demande pourquoi vous n’assumez pas ce positionnement...

Je n’aime pas les étiquettes. Les entreprises, elles marchent ou ne marchent pas. Moi, je veux que les entreprises réussissent et créent des emplois sur le territoire national. Et que les jeunes aient envie de créer des entreprises. Je veux que la réussite soit récompensée, que les entreprises aillent de l’avant.
 
Mais je veux aussi qu’il y ait un juste équilibre entre l’économie et le social, parce que je pense que c’est un facteur de compétitivité et pas l’inverse. La France souffre de ces logiques d’affrontement et d’un manque de transparence sur le partage des profits. Je suis dans le dépassement des clichés traditionnels et je souhaite un nouveau deal avec les entreprises. Et c’est ce qui est au cœur de mon identité socialiste : que les richesses produites soient correctement distribuées.

Alain Fribourg.
 
Sur le site Désirs d’avenir, en lisant le chapitre « Les désordres du travail », on a l’impression que l’entreprise, c’est l’enfer. ça n’est pas celle que nous vivons au quotidien.

Les désordres du travail, c’est la montée des précarités, l’absence de recul des accidents du travail – il y en a 2 000 par jour, c’est impressionnant –, la montée des maladies professionnelles, le nombre de salariés qui sont toujours au smic après trente ans de carrière, les inégalités de travail homme-femme.
Il y a aussi un problème de démotivation et de stress des cadres et des salariés en général, qui rejaillit d’ailleurs sur les maladies professionnelles. Il y a une hantise de perdre son travail.

Joël Pétillon. 

Mais, à Kindy, les cadres vont bien, même si le secteur est difficile, et il n’y a pas d’absentéisme…

Sans doute parce que vous faites de gros efforts avec vos salariés. Mais est-ce que, dans les écoles d’ingénieurs, on forme les jeunes à la gestion des relations humaines ? Non. Les diplômés apprennent sur le tas à conduire des équipes.
La France est très en retard sur ces questions-là. Allez voir le profil de formation des écoles d’ingénieurs dans les autres pays, notamment au Japon : on apprend comment conduire une réunion, comment entraîner une équipe, comment valoriser les qualités des gens. Il faut que, nous aussi, nous mettions cette approche au cœur de la formation.

Mathilde Thomas.
 
A Caudalie, nous avons 20 % de cadres, et ils se demandent pourquoi on leur tape sur la tête en taxant davantage les salaires au-delà de 4 000 euros mensuels.

Il ne vous a pas échappé que ce n’est pas dans mon pacte présidentiel... Je ne veux pas décourager les cadres. En plus, un chiffre couperet comme celui-là n’est pas un bon critère : 4 000 euros, cela n’est pas du tout la même chose si vous avez un logement à payer et des enfants, ou si vous êtes célibataire et propriétaire.
 
Mais je voudrais rappeler quand même qu’en France un salarié sur deux gagne moins de 1 500 euros. Le smic, c’est 980 euros net par mois, et 18 % des salariés sont au smic, souvent des femmes. Pour tous ceux-là, 4 000 euros, c’est un salaire très confortable. De toute façon, il n’est pas question de démotiver ceux qui gagnent 4 000 euros et de taxer davantage le travail. Ce n’est pas ma façon de voir.

Hélène Darroze.
 
Comment trouver des jeunes qui veulent bien travailler dans les métiers comme le mien, la restauration ?


J’essaie dans ma région de revaloriser les métiers. Dans l’hôtellerie, dans le bâtiment, la région leur paie le permis de conduire. Je leur dis : la région a besoin de vous, ce sont des beaux métiers, je les mets en valeur, et cela marche. Mais il faut aussi augmenter les salaires pour ces métiers, pour les rendre attractifs, alors qu’il y a aujourd’hui plus d’offres d’emplois que de postulants.

Mathilde Thomas.
 
Nous avons régulièrement des gens recrutés qui ne se présentent pas à l’embauche, sans doute parce qu’ils préfèrent profiter des aides sociales, ou travailler au noir… Comment remettre les gens au travail ?

Il faut une réforme du service public de l’emploi, comme cela s’est fait dans d’autres pays, en y mettant de la cohérence. Et il faut un accompagnement individualisé des demandes d’emploi. Comme pour l’école avec le soutien scolaire, nous allons faire du sur-mesure. Je veux aussi créer la sécurité sociale professionnelle : les salariés licenciés éviteront ainsi le traumatisme du chômage puisqu’on leur donnera 90 % de leur salaire, une formation ou une reconversion, une aide à la recherche d’emploi. En échange, ils ne pourront plus refuser des emplois qui correspondent à leur profil, à leur formation, et à une rémunération normale dans la branche économique concernée. C’est le donnant-donnant.

Challenges.
 
Vous condamnez la précarité, les entreprises demandent de la flexibilité : n’est-ce pas la clé du succès des économies gagnantes ?

Je n’aime pas le mot flexibilité, très connoté, parce qu’il n’y a que les salariés qui en paient les conséquences. Moi, je préfère parler d’agilité, c’est-à-dire de la possibilité pour les entreprises de s’adapter, par exemple quand elles perdent un marché. Il ne faut pas qu’elles s’enferment dans la spirale des plans de licenciements, avec le temps, l’énergie, les conflits ou les préjudices que cela représente… Ma réponse, c’est la sécurité sociale professionnelle.

Challenges.

Comment va-t-elle fonctionner ?

Si une entreprise a besoin d’agilité, d’adapter rapidement ses effectifs parce qu’elle traverse une bourrasque, elle pourra, sans licencier, transférer la charge salariale sur le dispositif de sécurité sociale professionnelle. C’est comme cela qu’en Suède des entreprises ont réussi à passer des caps difficiles. J’ai vu l’exemple d’Ericsson, qui a supprimé 10 000 emplois sans un seul jour de grève et sans licenciements. Les salariés ont accompagné l’entreprise parce qu’on a assuré leurs arrières : la sécurité sociale professionnelle a permis de les réorienter vers d’autres métiers, d’autres formations, ou bien dans des activités différentes à l’intérieur même de l’entreprise.
 
D’ailleurs, je l’ai fait avec une entreprise de ma région, Heuliez : 900 salariés étaient sur le carreau après une erreur sur le lancement d’un nouveau modèle. J’ai mis en place cette sécurité sociale professionnelle : l’entreprise a gardé le lien juridique avec ses salariés ; ceux-ci, au lieu de passer par la case chômage – avec la déstabilisation et la destruction des familles qui vont avec – reçoivent 90 % de leur salaire, le temps de se tourner vers d’autres emplois, d’autres métiers.
 
Les autres continuent à travailler en fonction des besoins de l’entreprise, ou suivent une formation. Et tout cela sans licenciement. Pour financer l’ensemble, nous utilisons les fonds des Assedic et ceux de la formation professionnelle.
 
Mais, soyons clair, il ne faut pas que les entreprises détournent ce dispositif : la sécurité sociale professionnelle ne peut être une facilité qui leur permette de traiter à la légère leur personnel, en se disant qu’elles auront de toute façon un filet de sécurité. Les entreprises doivent être responsables. Cela aussi, c’est le donnant-donnant.

Publié dans Ségolène Royal.

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